À la recherche du temps…

La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité,
fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

Avez-vous parfois l’impression que le temps vous échappe ?

Notre perception du temps est subjective et biaisée par nos émotions : « Le temps est un phénomène de perspectives », disait Jean Cocteau. Quand on est heureux, on a l’impression qu’il file à toute vitesse, mais en prison, par exemple, il paraît interminable, et dure comme tiré par un élastique.

Par conséquent, notre rapport au temps peut être douloureux, et les expressions courantes en témoignent : nous « courons derrière le temps », on déteste « perdre du temps », on cherche à « rattraper le temps », voire à « tuer le temps » puis à « gagner du temps » pour « avoir du temps à soi ».

 

De nos jours, cette tendance s’accélère.

Les nouvelles technologies nous habituent à l’immédiateté, à ignorer les fuseaux horaires, et à de nouvelles possibilités qui sont temporellement voraces (réseaux sociaux, jeux-vidéo, streaming…). La conséquence en est simple, nous constatons que nous n’avons pas assez de temps à notre disposition pour tout faire.
Dans la tradition Hindoue, en naissant, chaque être humain entre dans la « danse de Shiva » et fait alors son premier pas… vers la mort. Ainsi, le temps est non seulement relatif, mais également une denrée non renouvelable. Alors on devient avare de temps. On « étire » la journée de travail de 8h à 20h, pour minimiser les pertes, au risque de se saturer et d’être moins efficaces. Puis, le week-end, on bouge, on voyage, pour se donner l’impression de reprendre le contrôle sur le cours de sa vie. Finalement, on ne profite jamais vraiment de son temps (sans parler de le maîtriser), on le « meuble ».

 

« Le temps nous est compté, dit la sagesse populaire. Oui, mais en quelle monnaie ? Ajoute Einstein. »

(François de Closets).

Il est urgent de reprendre le pouvoir sur le temps, de ne plus lui être soumis. Pour cela, traitez-le non plus comme une denrée qui s’épuise, mais plutôt comme un capital limité dont il faut tirer le meilleur profit. Sachez faire les bons placements, éliminer les mauvais et vous adapter à la variation des cours. A partir du moment où vous faites des choix instruits, il ne peut plus y avoir de pertes. Comme le disait Alexis de Tocqueville : ce que l’on « appelle du temps perdu est bien souvent du temps gagné ».
Il faut changer de paradigme. En naissant, nous avons tous un capital santé, un capital temps de vie, et un capital talent. Si l’on gère bien son capital santé, cela augmente le temps de vie, et le capital talent, lui, ne se réalise qu’en fonction des deux autres. Comme dans un cycle agricole, on sème, cela fleurit, puis on récolte et on profite des fruits.

 

Une fois le temps de vie maximisé, reste à gérer le capital temps au jour le jour.

Comment l’investir au mieux : dans du travail, dans du repos, dans du plaisir ? En réalité, tout dépend de votre objectif (thésaurisation, dépense, immobilisation à court ou long terme…). Gérer son temps n’est plus alors une contrainte, ou même un supplice comparable à celui de Sisyphe et de son rocher, mais plutôt un jeu, un art même.

Napoléon Bonaparte l’avait compris : « Le temps est le grand art de l’homme ».

A FAIRE

Se concentrer sur l’important
Dans notre monde ultra connecté où tout est immédiat, l’urgent est maître. Impossible de hiérarchiser les tâches et les sollicitations : on se bat contre la montre en permanence. Demandez-vous quelles sont les choses importantes que vous devez réaliser, et prenez 5 à 10 min entre deux « urgences » pour y réfléchir et avancer. C’est un petit délai pour ces tâches, et un pas énorme vers la maîtrise de votre temps.


Ne rien faire = se connecter à soi
On associe, à tort, la non activité avec la perte de temps. C’est un amalgame courant dans un monde où l’on doit constamment justifier de sa valeur ajoutée. Seulement parfois, une vraie pause permet plus de progrès ou d’avancées qu’un travail constant (les artistes vous le confirmeront). Créez-vous des coupures dans la journée, des moments où vous profitez du fait de ne rien faire : votre créativité en sera décuplée.


Carpe Diem
« Cueille le jour sans te soucier du lendemain, et sois moins crédule pour le jour suivant. » (Horace). La deuxième partie de la phrase est plus importante que la première : budgétisez votre capital temps de la journée, prenez les décisions de gestion nécessaire à son bon déroulement, et le lendemain tirez-en les conséquences pour le budget du jour. Cela vous permettra de rester positif quoi qu’il vous arrive.

A ÉVITER

Les « To do listes » interminables
Pratiques pour faire le suivi des choses à faire, elles deviennent contre-productives dès qu’elles contiennent plus de 5 tâches. En plus, avec les imprévus permanents, il arrive que l’on travaille toute la journée sans avoir mené à bout un seul élément de notre liste. Séparez l’urgent de l’important, décomposez ce que vous avez à faire pour élaborer une stratégie réaliste d’avancée.

 

La tentation de l’ubiquité
Pour maximiser son temps, on pense que faire 2 voire 3 choses simultanément est ce qu’il y a de plus efficace. Cela peut marcher ponctuellement, en consommant quantité d’énergie physique et mentale, mais sur le long terme cela se retourne contre vous. La satisfaction d’une tâche menée jusqu’au bout, vaut mieux que la frustration de deux tâches non terminées ou mal faites…

 

Penser que vivre = faire
Collectivement, nous faisons l’erreur d’assimiler la mesure du temps de vie avec la quantité de choses faites. Il en résulte nécessairement une frustration permanente à l’idée des possibles non réalisés. Ce n’est pas la bonne unité de valeur. Votre temps se mesure plutôt en satisfaction de soi, en joie de vivre, en plaisir, et non pas en heures passées au travail. « Personne ne se soucie de bien vivre, mais de vivre longtemps, alors que tous peuvent se donner le bonheur de bien vivre, aucun de vivre longtemps. » (Sénèque).