Apprendre à se préserver

La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité,
fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

Se  préserver  devient  un  sujet  majeur  pour  de  nombreux  managers  dans  les  entreprises en réorganisation profonde.

La conduite du changement est toujours anxiogène dans notre contexte culturel, où il est synonyme de danger et de risques… Et  la  pratique  corporate  d’informer  ses  «  troupes  »  au  compte-­‐gouttes  ne  fait  qu’aggraver le climat de peur, de méfiance et d’anxiété.

L’information  est  un  attribut  du  pouvoir  et,  par  conséquent,  ce  dernier  tend  à  la  retenir. L’absence ou la carence d’information incite les acteurs de l’entreprise à se projeter dans des scénarii catastrophes, à générer de la désinformation, des bruits de couloir, des interprétations erronées. Autant de facteurs empoisonnants qui vont rendre le biotope de l’entreprise « toxique » : l’anxiété et le stress collectifs sont directement  proportionnels  au  flux  et  à  la  quantité  des  informations  disponibles.  D’autre part, apprendre ce qui se fera dans son entreprise par les médias vexe ceux qui  se  considèrent  comme  ses  acteurs,  et  ne  fait  qu’activer  leurs  doutes  et  leurs  résistances au changement.

Comment rester serein(e) en passant 10 heures par jour dans ce « biotope », sans être « contaminé » par la peur et le stress collectifs ?

La réponse : mettre en place une méthode afin de vous préserver.
L’être  humain  est  un  «  animal  social  »,  hautement  perméable  par  rapport  à  son  groupe d’appartenance (émotions, niveau d’énergie, stress négatif). Dans une situation de crise collective, la meilleure tactique de survie est d’apprendre à devenir un système autonome, à ne pas se « dépressuriser » – comme les vaisseaux spatiaux, les  sous-­‐marins  et  les  avions  qui  maintiennent  leur  pression  et  leur  température  intérieures en milieu hostile. La moindre brèche signifie dépressurisation et l’impossibilité de survie sans masque à oxygène.

La  première  règle  pour  se  préserver  sera  donc  d’assurer  la  non  porosité  de  sa  « coque », une sorte de barrière entre le milieu hostile et vous-­‐même. Colmatez aussitôt les brèches qui existent ou qui se forment.

La deuxième règle est de maintenir un microclimat interne stable – la « météo » émotionnelle  interne  doit  être  ensoleillée,  le  niveau  d’énergie  haut,  l’humeur  positive.
La  troisième  règle  est  de  trouver  des  sources  d’énergie  hors  du  biotope  professionnel, afin de se réapprovisionner en oxygène et vérifier les moteurs avant la prochaine « immersion ».
La quatrième règle est de veiller à ne pas polluer vos proches et votre vie familiale avec les emprunts toxiques de la vie professionnelle.

A FAIRE

Appliquez la « règle du tabouret »
Plus  il  a  de  pieds,  plus  il  est  stable.  Si  dans  votre vie il n’y a que la famille et le travail, le « tabouret de votre vie » aura du mal à tenir debout.  Ajoutez  2  autres  pieds  (investissez  dans une start-­‐up, réalisez une passion, lancez un projet de votre vie) et vous verrez qu’en  vous  «  dé-­‐focalisant  »  de  la  réorganisation en cours, votre perception de celle-­‐ci changera.

Faites votre propre monitoring
Surveillez votre niveau d’énergie et votre état interne. Soyez proactif, sortez de la posture de réaction, cherchez à vous régénérer par la présence  de  gens  positifs,  constructifs,  et  participez à des projets innovants et créatifs tournés vers le futur.

Nettoyez  régulièrement  votre « disque dur »
Faites  une  vérification  régulière  de  votre  « disque dur » et désactivez les virus mentaux de type « la boite est un abattoir, on sera tous sacrifiés  ».  Apprenez  à  identifier  les  virus  mentaux des autres et à les éliminer grâce à votre « Firewall » interne.

A ÉVITER

Devenir une cocotte minute
Garder  tout  à  l’intérieur  n’est  pas  une  solution. Vous ne pourrez pas rester en apnée indéfiniment, et telle une cocotte minute, il vous  faudra  relâcher  la  pression  pour  vous  soulager. Epargnez à vos proches l’éventualité  d’une  explosion  soudaine  :  trouvez une activité où vous pourrez souffler et prendre le recul nécessaire.

Participer  à  augmenter  le  niveau  du stress collectif
Arrêtez les discussions stériles, n’en rajoutez pas, dites-­‐vous « je refuse cela ». Cela ne sert à  rien  de  rajouter  de  l’huile  sur  le  feu.  Rappelez-­‐vous : « Après la pluie, le beau temps ! ».

Laisser tourner le cinéma intérieur
Effacez  toutes  les  vidéos  de  catastrophes  à  venir que vous vous passez dans votre tête « en boucle ». Créez les équivalents positifs et passez-­‐les à la place des anciens. Après tout, le Happy End est tout aussi probable que le Game Over.